En ce mois de mars, j’inaugure une série d’entretiens menés auprès de collectionneurs. Au travers de 5 et une questions, je les interroge sur leur rapport à l’art et la manière dont ils en font l’acquisition.
Tous suivent avec intérêt la programmation de ma galerie et m’ont déjà acheté plusieurs pièces, que ce soit via la galerie en ligne ou lors de l’une de mes expositions. Au fil du temps, nous avons tissé un lien particulier. Je les remercie vivement pour la confiance qu’ils m’accordent et leur fidélité.
Pour inaugurer cette première saison, je vous laisse en compagnie de Thierry Rougier. À la fois passionné et sensible, déambuler à ses côtés dans sa maison au Pays basque est comme visiter un musée d’art contemporain avec, en prime, un guide qui vous livre des anecdotes fantastiques sur la manière dont il a acquis telle ou telle pièce et les échanges qu’il a eus avec les artistes, les galeristes ou les commissaires-priseurs.
Bonne lecture !
Virginie
Thierry Rougier collectionne des pièces d’art contemporain depuis 38 ans

“Je m’appelle Thierry Rougier, je suis chirurgien-dentiste. Je collectionne l’art contemporain depuis le début des années 80, soit 38 ans. Je ne viens pas d’une famille qui aimait l’art. Ma première rencontre avec la peinture, je la dois à notre professeur de français, en classe de 5ᶱ, qui nous a emmenés voir la grande exposition Picasso à PARIS. Ce fut un choc pour moi ! J’y repense souvent et l’en remercie. Il a suivi une longue période sans que je m’intéresse de près ou de loin à l’art. Mon centre d’intérêt était le sport, le handball en particulier. Puis, il y a eu les études, mon mariage avec Isabelle et la venue de notre première fille Églantine. Nous avons quitté Paris et sommes venus nous installer en Bourgogne en 1980. Nous devions nous meubler, et allions régulièrement dans les salles des ventes. C’est lors d’une vente banale que passe sous mes yeux un petit dessin à la mine de plomb, sans aucune couleur, de 15×15 cm, sans intérêt pour l’assistance, mais qui m’a happé. Un véritable coup de foudre ! Je l’ai acheté sans réfléchir, ni rien savoir de son auteur. Il s’agissait d’un dessin de Pascin.
J’avais attrapé le virus, le bon, qui ne m’a pas quitté depuis.“
Thierrey Rougier a acquis plusieurs pièces au sein de ma galerie. Les artistes Blandine Galtier, Fabien Barrero-Carsenat et Nadège Mouyssinat que je représente, figurent aux côtés de noms tels que Pedro Calapez, Aïtor Ortiz, Étienne-Martin, Claudie Laks, Takis, Maarten Stuer, Daphné Coregan, Jaume Plensa, Sylvie Enjalbert, Simon Chaput, Iñaki Olazabal, Jean-Paul Albinet, Rachel Labastie, Ursula Morley Price, Caroline Secq, Étienne Fouchet ou Maria Bosch.
5 et 1 questions à un collectionneur d’art
1|Quels sont vos motivations à l’acquisition d’œuvres d’art ?
T.R. Vous l’aurez compris, j’achète avec le cœur. Il faut qu’il y ait ce serrage à l’intérieur de moi, une envie d’acquérir l’œuvre. C’est comparable au sentiment amoureux.
J’aime l’originalité dans une œuvre. Il faut une singularité, que ce ne soit pas du « déjà vu ! ».
J’ai ainsi fait des découvertes qui me comblent de bonheur toujours. Je ne calcule pas, je me laisse séduire.
2|Quel est le médium que vous collectionnez le plus et pourquoi ?
T.R. La peinture abstraite en premier, mais aussi la sculpture et le dessin. Depuis une dizaine d’années, je me suis pris de passion pour la céramique et ai constitué une collection parallèle. Dans ce domaine, je me dirige vers des sculptures en céramique. Le domaine est vaste et les artistes sont talentueux.
Brûme, 3 soliflores, faïence émaillée, ø9×15 cm, ø13×22 cm, ø15,5X35 cm, édition de 8 exemplaires numérotés et signés.
Galerie Virginie Baro, collection Thierry Rougier.
3|Auprès de qui, de quel événement où de quel lieu achetez-vous des œuvres d’art généralement ?
T.R. J’ai beaucoup fréquenté les salles des ventes qui pratiquent des ventes spécialisées et parfois de prestige. J’aime l’ambiance et le jeu qui en découle. Il faut rester discret, ne pas montrer son intérêt, en dire le moins possible. Il y a la présentation, puis vient la vente et les enchères avec la décharge d’adrénaline que ça procure. C’est une véritable jouissance lorsque l’on remporte l’œuvre. Une compétition !
J’ai acheté beaucoup aussi en galerie parallèlement. Souvent sur les grandes foires d’art contemporain (Fiac, Bâle, Bruxelles, Madrid…). Cela permet de nouer des amitiés fortes et durables
Enfin j’ai quelques fois acheté directement aux artistes.
Et ce qui vient d’elle encore de brume et de fumée, monoprint sur papier wenhzou 30 g/m², marouflée sur papier hahnemühle 300 g/m², pointe sèche carborundum, feuille d’or 24 ct, encre akua noir carbonne, graphite et argent, 80×60 cm.
Galerie Virginie Baro, collection Thierry Rougier.
4|Suivez-vous certains galeristes précisément et si oui pourquoi ?
T.R. Karsten Greve, Thaddaeus Ropac, Perrotin, Jousse, Laffanour, galerie Nathalie Obadia de Paris, Galerie de l’ancienne poste de Toucy pour les céramiques, ainsi que la galerie Virginie Baro dont l’approche est à la fois virtuelle et physique avec des expositions dans des lieux formidables. Elle est très importante et ses choix sont excellents.
5|Pouvez-vous expliquer ce que l’art vous procure ?
T.R. Un immense plaisir par leur présence. Les œuvres sont là, elles m’accompagnent et participent à mon univers et à mon art de vivre.
6|La dernière : une réflexion supplémentaire à apporter sur l’art ou le fait de collectionner de l’art en général ?
T.R. L’art sous toutes ses formes me passionne. La musique, la danse, les arts décoratifs et l’architecture m’intéressent. Même sans moyens financiers, il est possible de visiter des expositions. Il n’est pas nécessaire d’acheter des artistes reconnus et chers. Si on désire le faire, il faut se diriger vers de jeunes artistes. Il est possible de payer en plusieurs fois auprès des galeries. N’hésitez pas à pousser la porte, parlez avec les personnes, vous serez bien accueillis et informés.
Enfin cette triste période a mis un sérieux frein au marché de l’art, beaucoup de galeristes sont en grande difficulté ; espérons que les activités reprennent vite.
Cyclide palladium, porcelaine, émail palladium, ø33×27 cm.
Galerie Virginie Baro, collection Thierry Rougier.
